Lever la chape de plomb qui pèse (encore) sur le monde du sport : une seule question de voix ?

Le film « Un si long silence » diffusé mercredi 4 mai sur la RTS et consacré aux viols à répétition subis par l’ex-patineuse artistique Sarah Abitbol au cours de son adolescence par son entraîneur de l’époque, Gilles Beyer, dévoile une réalité extrêmement crue – une des faces les plus sombres du sport. Point de départ d’une réflexion que nous désirons initier sur le rôle des désirs, des envies, des pulsions, des rêves et plus globalement du cadre propice à l’éclosion des jeunes talents dans le sport – et au-delà.

Qu’est-ce qui préside à l’envie de se lancer dans une activité sportive ou artistique ? Dès l’enfance, l’humain conçoit le monde comme un vaste complexe d’objets, de mécanismes, de phénomènes dotés de vie – ou pas – propre à le stimuler, l’enthousiasmer, le pousser vers le haut – ou le bas. Jeu sensible, qui devient de plus en plus rationnel en grandissant, les deux pôles – sensibilité et raison – devant cohabiter harmonieusement pour former un être épanoui et ouvert sur le monde.

Dès l’enfance, aussi, pulsions, désirs, rêves viennent habiter le bambin. Selon l’ouverture de son entourage, plus ou moins enclin à le guider dans un sens ou dans l’autre, l’enfant développe des qualités pour ceci ou cela, des aptitudes motrices, intellectuelles, sensorielles, etc. Fantastique déploiement des forces de vie, du plus petit au plus grand, et ce finalement toute la vie. Durant son existence, l’homme passe par des phases de croissance, de déclin, toujours en rapport avec les interactions qu’il entretient avec le monde.

Dans le sport et dans les arts, le jeu est la dimension primordiale qui pousse l’enfant à s’engager dans tel ou tel type d’activité. Pour peu que papa ou maman soit ou ait été lui/elle-même sportif*ve ou artiste, il y a fort à parier que l’enfant reçoive des stimuli qui l’encouragent à persévérer dans sa pratique, de fond en comble ludique au départ, pour devenir là aussi souvent de plus en plus formalisée. Phénomène de société, où tout – de la naissance à la mort – se déploie sur fond de jeu esthétique avec les forces du monde, qui nous traversent, pour re(de)venir en fin de parcours au point de départ, d’où elles ont émergé.

Si l’enfant est donc guidé comme il se doit par ses parents, son entourage, l’école, la famille, il y a là encore beaucoup de chances pour qu’il engrange de premiers succès (scolaires, sociaux, artistiques, sportifs, etc.). Qui n’ont pas grand-chose à voir avec le mérite ni une quelconque égalité des chances. Le succès ne s’acquiert qu’en dominant les autres, vérité de la vie en société comme jeu, lutte et partage du pouvoir comme déchirement entre les êtres, qui mettent bien souvent toutes leurs forces dans l’acquisition de privilèges, pour s’élever toujours davantage dans l’échelle sociale.

Si l’enfant devient alors un jeune conscient de ses possibilités et de ses limites, qu’il continue à bien se comporter, tout en gagnant en autonomie et en liberté, qu’il possède toujours le goût du jeu, du dépassement de soi, qu’il a acquis les valeurs de travail, d’engagement, de résilience, il est alors possible que sa pratique soit portée par un souffle qui le mène vers d’autres hauteurs. L’entourage joue ici toujours – et même encore plus qu’avant – le rôle décisif de catalyseur, propre à donner au jeune talent les moyens de se construire la voie qu’il désire suivre pour réaliser son (ses) rêve(s). Parcours bien sûr idéal ; nombreux sont ceux qui n’atteignent jamais ce stade, se désengagent avant d’atteindre un certain niveau de pratique, par ennui, crainte, problèmes de santé, renoncement, etc.

C’est pour continuer d’accompagner dès ce stade les jeunes talents dans leurs pratiques respectives qu’il est capital de posséder des cadres d’entraînement, de pratique, de compétition respectueux de leur développement et de leur personnalité. Pour contribuer à les faire grandir, devenir de futurs champions, de grands artistes, il est nécessaire de mettre à leur disposition tout un ensemble de possibilités tant matérielles, logistiques, infrastructurelles, humaines, etc. De même, un environnement sain doit mettre l’accent sur le développement harmonieux – dans le respect de leur personne et du monde qui les entoure – de leurs facultés psychiques et physiques, de leur découverte du monde et des autres, tout en travaillant à guider par la pose de jalons réguliers leur progression.