Grand jeu de la vie

Nos efforts pour appréhender un monde en perpétuels changement, transformation et évolution peuvent sembler insuffisants. A peine croyons-nous avoir compris comment fonctionne tel ou tel système de pensée, de religion, tel système culturel, sociétal, technologique qu’un événement tragique ou une transformation sociétale brutale – par exemple dans le cas de l’intelligence artificielle – vient remettre en question les identités que nous nous sommes façonnées avec le temps. Car l’identité que nous croyons avoir ne dépend en fin de compte que des pensées et croyances à notre propre sujet accumulées tout au long de la vie. Nous sommes constamment bousculés et violentés, comme si le monde n’attendait plus que nous soyons adaptés et nous soyons adaptés à lui pour nous imposer volontés et autres lubies fantastiques.

Monde étonnant et formidable, d’autant plus formidable qu’il génère quantité de catastrophes, problèmes et autres tragédies à plus ou moins large échelle. Nous constatons souvent avec rage et un sentiment d’impuissances que les atrocités qui se déroulent (non) loin de nous, parfois à nos portes, sur notre palier, engagent aussi qui nous sommes. Sans que nous puissions faire grande-chose pourtant pour changer les choses. Sauf à nous engager, corps et âme, pour que les choses changent – et que les êtres humains parviennent à mieux canaliser leurs forces… et n’agissent pas par désespoir, égoïsme décomplexé ou réactivisme forcené. Mais bien sûr, tout cela est plus facile à dire qu’à faire lorsqu’on vit dans un pays relativement calme, sans problèmes pressants au quotidien et qu’on a à manger et à boire en suffisance…

Face a cet état de faits – ou plutôt, à l’interprétation des évènements que nous pouvons faire -, impossible de rester indifférent et de ne rien faire. C’est en tout cas la position psuchique, bien que nous constations nous aussi qu’il est nécessaire de demeurer concentrés sur notre corps de métier, où nous sommes les plus performants et efficaces. Mais rien n’empêche – et il est même capital – de s’engager à plus large échelle pour rééquilibrer les choses là où c’est possible.

Il est ainsi essentiel de préparer nos enfants et jeunes à un avenir où l’aléatoire, l’inattendu et le tragique surviennent de manière impromptue, violente et soudaine. D’apprendre à nos jeunes à se confronter au travail cognitif nécessaire pour sortir de l’ornière civilisationnelle dans laquelle nous nous trouvons, à force d’aveuglement et d’incompétence. Nous sommes en devoir de réagir et d’agir avec conscience, en prenant en compte les phénomènes dans leur complexité esthétique, physique, situationnelle, configurationnelle, humaine et sociétale. Avons pour tâche existentielle de nous prémunir et de prémunir notre jeunesse contre les erreurs du passé – à commencer par l’ignorance des conséquences qu’ont nos actes sur l’ensemble des êtres vivants.

Notre travail doit consister à tenir compte du vivant à toutes les échelles, de l’univers immense à la moindre cellule qui se développe au fond de tout phénomène. Nous pouvons aller puiser pour cela dans les sagesses anciennes, traditionnelles, les coutumes et cultures de chaque peuple, de chaque civilisation ; nous avons accès à des millions d’informations qu’il s’agit de trier et observer avec un esprit critique – une compétence essentielle qui ne se démodera jamais. Chaque enfant doit pouvoir comprendre que sa vie d’enfant, de jeune puis d’adulte sera rythmée nécessairement par des changements toujours plus rapides, qui vont venir bousculer ses certitudes et celles des gens autour de lui. Si nous voulons éduquer une génération consciente, critique, informée et prête à (r)éagir adéquatement aux changements en cours et à venir, le travail commence là où le changement a lieu : en nous et autour de nous.

Plus nous sommes informés, éduqués, conscients et capables d’avoir une influence sur notre environnement, plus nous avons pour mission de transmettre une éducation appropriée aux plus jeunes. Chacun et chacune peut faire le maximum pour savoir quels contenus lui sont particulièrement importants et précieux au point de se sentir capable de les inculquer, de les transmettre avec force, joie et enthousiasme au-delà de lui/elle-même aux plus jeunes. Ce n’est à vrai dire pas très compliqué ; il suffit de s’enthousiasmer pour les forces de vie, pour ce qui nous porte, le fait de respirer, d’être en vie, en pensée, en joie… de se connaître et reconnaître comme vivants – et donc doués d’âme, d’esprit et de corps capables de jouer, jouir… et vivre, tout simplement.