Confiance enfantine en la vie

Matisse, La joie de vivre (1905-1906)

Quelle autre attitude adopter, dans la vie, que de faire confiance en ce qui arrive ? Dans nos bonnes relations, dans la bonté du boulanger juste à côté, dans le fait que nos enfants iront bien à l’école, qu’ils apprendront comme il se doit, eux-mêmes avec confiance et volonté ?

Avoir confiance dans ce qui vient est une qualité qui ne s’apprend pas sur les bancs d’école, mais grâce aux épreuves de la vie. Tout ce qui ne tue pas nous rend plus forts. Qu’on le veuille ou non. Au lieu de nous énerver – et de lutter en vain contre ce qui ne peut être changé -, nous avons meilleur temps de conserver nos forces pour les vraies batailles : changer ce qui peut l’être, en nous et en-dehors de nous.

Mais changer ce qui est en nous et en-dehors requiert d’entretenir des relations saines à soi-même et au monde. Santé qui provient du fond des âges, de la psuchè, du souffle originaire enfantin qui agissait déjà là-bas, en Grèce antique, bien avant notre ère. Et ailleurs dans le monde, partout. Le tao, d’autres forces et sagesses, fondées sur un rapport au monde régi par les forces, la commensurabilité, l’enfance – comme force génératrice et productive de vie – ont été, sont et resteront toujours présentes.

Tout l’enjeu est de travailler sur, (r)éveiller et révéler et reconnaître ces forces de vie. Pour les rendre productives. Utiles. Les investir dans un travail, un service rendu à la société, au monde, aux gens autour de nous – et à nous-mêmes. Beaucoup sont désemparés et débordés par cette productivité, cette génération fondatrice qui éclot des profondeurs, les perturbe et les domine… parce qu’ils sont trop préoccupés par leur nombril, leurs petites affaires, leur petit monde, qu’ils veulent rendre « safe » et dénué de toute aspérité.

C’est le contraire qu’il s’agit de faire. Notre idéal de beauté, de volonté, de morale juste et bienveillante nous aveugle. Les forces à l’oeuvre ne peuvent être contrôlées et dominées par notre raison, notre volonté de contrôle et notre technique. Elles ne se laissent pas enfouir et réduire à néant. Plus on les néglige, plus elles réapparaissent ici et là, tantôt de manière cachée, tantôt de manière brutale – et peu salvatrice. C’est à nous de travailler dessus, sans relâche, comme un enfant qui apprend à se servir de ses dents, de ses doigts pour agripper les objets, à lire, à compter.