Samuel Theis, « Petite Nature » (FRA/2021)

Impossible pour Johnny, dix ans, qui vit avec sa mère, sa petite soeur et leur chien à Forbach, commune à deux pas de la frontière franco-allemande, de ne pas vivre l’arrivée de son nouvel enseignant, Jean, comme une révolution…

Longs cheveux blonds, gueule d’ange, Johnny est un enfant pas comme les autres. Famille pauvre, commune anciennement industrielle, cité de « crevards » selon Johnny : pas de quoi rigoler. Mais vivre, à fond, quitte à fuguer, intérieurement, intimement, « se mettre des idées dans la tête », ça oui… Parce que ça doit vivre, ça a besoin de sortir, de trouver sa voie, son chemin. Comme nous tous.

Sauf que Johnny n’est pas un enfant comme les autres. Pas vraiment, en tous cas. Sa petite soeur ? Pas sa priorité, même s’il s’en occupe bien. Leur chien ? Pas non plus, même s’il aime bien les huskies. Leur mère, leur père, leur frère ? Ouf… Difficile, avec ses gros sacs, de faire quoi que ce soit d’utile, de productif et d’intéressant dans cette cité pourrie. Mais Jean, ah, Jean… Et Nora ! bon sang, Nora, je l’adore, elle aime trop mon look, et Jean aussi, bref : ça ouvre des portes, d’aller sonner à leur porte, à ces deux-là (quitte à les épier un peu)…

Non, la vie, vraiment, elle pourrait être meilleure si seulement les adultes savaient un peu y faire. Parce que bon, entre les autres dans la classe qui sont pas très futés… et mes rêves, d’ailleurs pas clairs – comme la vie, toujours en clair-obscure -, moi, Johnny, eh bien j’ai un peu de la peine à y voir clair… D’ailleurs, j’ai beau le leur dire, le leur crier, hurler même – mon désarroi, ma colère, ma rage de vivre, de dépasser ma condition, de demander de la reconnaissance -, pas simple, avec ces crétins…

Non, vraiment pas simple de trouver sa voie. Pas seulement face à un film, une statue, voire une photo que Nora m’emmène voir avec Jean et leurs amis lors de la Nuit des Musées. Pas facile non plus devant un livre, vis-à-vis de la langue, même si je suis très intelligent – et surtout – mais ça reste entre nous – pas facile avec Jean lui-même ! Jean qui me parle, un peu trop même…

***

« Petite Nature », film de Samuel Theis, grandi lui-même à Forbach, est une pépite sur l’enfance, le désir, la vie et les éclats qui s’infiltrent partout, jusqu’au plus profond de nous-mêmes. L’intimité, la fissure dans nos existences, la fragilité de l’être et de l’enfant surtout qui découvre son monde, allant puiser au plus profond de lui-même, c’est tout cela que nous dévoile Theis. Un grand film, à hauteur d’enfant, sur notre humanité.

Bande-annonce