Les enfants, grands oubliés de la crise du coronavirus ?

Notre article précédent partait de la situation – inédite – que nous vivons tous en ce moment pour s’interroger sur la portée de cette dernière quant à nos vies, façonnées par l’esthétique enfantine venue du fond des âges (« Αἰὼν παῖς ἐστι παίζων πεσσεύων· παιδὸς ἡ βασιληίη » : « La vie est un enfant qui joue au tric-trac : c’est à un enfant que revient la royauté » (Héraclite, Fragment 52)). Situation qui n’a malheureusement guère évolué en un mois, marqués que nous sommes par une épidémie collective de bêtise vis-à-vis du monde qui nous entoure.

Si la vie, le mystère, la joie se transmettent aussi vite qu’un virus, il est nécessaire de faire tout notre possible en ce sens. Impossible de comprendre plus longtemps les mesures fédérales visant à obliger la quasi-totalité de la population à « rester à la maison ». Les dirigeants de notre pays ont-ils bien mesuré la portée de ces mesures ? Comment comprendre que personne ne songe à encourager le mouvement, l’activité physique, les sorties en plein air, bref : tout ce qui favorise la santé ? Qu’attend-on : que plus de la moitié de la population suisse soit à bout de nerfs, craque et finisse par faire n’importe quoi ? Que nos aînés, las d’être enfermés, sortent massivement ?

Et qu’en est-il des enfants ? La situation est en principe analogue pour eux : interdiction de sortir. Un vrai scandale, tant du point de vue sanitaire que social ; les enfants sont déjà privés d’école, sans parler de toutes les activités extra-scolaires qui ont habituellement cours, interdits de voir leurs amis, de se retrouver, etc. Est-ce normal ? Même en période de coronavirus ? Bien sûr que non ! Il est impératif d’éviter bien sûr toute contagion et tout contact inutile avec des sources d’infection potentielles ; mais tout aussi dangereux, sinon plus, de cloîtrer les enfants et les jeunes à la maison. Physiquement, mentalement, moralement, l’être humain n’est pas fait pour rester enfermé.

Bientôt, cette crise aura des conséquences inimaginables : les gens qui n’auront pu sortir, accueillir le décès d’un proche dans des conditions dignes (ce qui est impossible aujourd’hui, l’accès aux hôpitaux, EMS et autres centres de santé étant interdit), avoir des relations – ne fût-ce que brièvement – avec d’autres êtres humains -, auxquels on aura retiré quasiment tous leurs droits habituels, se retrouveront dans une situation précaire. Pas seulement économiquement, physiquement, psychologiquement et moralement : mais également sur tous les plans qui composent notre vie.

Il est absolument impératif à l’heure actuelle – pendant qu’il est encore temps – de passer d’une logique d’enfermement à une logique d’ouverture. Non pas d’abandonner les mesures en cours – regroupements restreints au strict minimum, distanciation sociale, lavage des mains, etc. -, mais d’envisager les choses sous un angle dépassant ces mesures : dans une optique de partage, de compréhension, de santé et surtout… de joie !

[Update du 13.4]

Le Comité des Droits de l’Enfant, dans sa déclaration du 8 avril, revient sur les questions relatives aux enfants durant la période de pandémie. Il écrit ainsi (traduction de PSUCHE) :

« De nombreux enfants sont gravement touchés physiquement, émotionnellement et psychologiquement, en particulier dans les pays qui ont déclaré l’état d’urgence et le confinement obligatoire. […] Néanmoins, les États devraient veiller à ce que les réponses à la pandémie, y compris les restrictions et les décisions relatives à l’allocation des ressources, reflètent le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Explorer des solutions alternatives et créatives pour que les enfants puissent jouir de leurs droits au repos, aux loisirs, aux activités récréatives, culturelles et artistiques. Ces solutions devraient inclure des activités de plein air supervisées au moins une fois par jour qui respectent les protocoles de distance physique et d’autres normes d’hygiène, ainsi que des activités culturelles et artistiques adaptées aux enfants à la télévision, à la radio et en ligne. »

Pour rappel, un enfant devrait pratiquer au minimum une heure d’activité physique par jour, si possible évidemment en plein air, avec d’autres enfants. Sur les plans culturel et artistique, à part de rares podcasts et émissions (de qualité franchement moyenne) destinés aux enfants ici et là, ces derniers n’ont pas grand-chose à se mettre sous la dent…

Dans un article intitulé « ‘Let your kids get bored’ : emergency advice from teachers on schooling at home » (« ‘Laissez vos enfants s’ennuyer’ : conseils d’urgence d’enseignants sur la scolarisation à domicile »), plusieurs enseignants britanniques observent les phénomènes à l’oeuvre durant cette période de confinement sur les enfants : ceux qui s’en sortent le mieux sont les enfants qui s’ennuient, dont la créativité est stimulée par l’absence de contenus à disposition immédiate et qui doivent faire appel à leurs imagination et ressources. A méditer !